Où la licorne fait l’expérience de la douceur angélique de Bianca.
Lui — Mon amour ! Comme tu es belle ce soir !
Moi — Ce n’est pas tous les jours qu’on rencontre une nouvelle métamour ! Tiens, j’ai apporté une bouteille de beaujolais…
Lui — Aon ! Merci ! Allez, viens, je vais te la présenter.
(Moi suit Lui au salon, où se trouve déjà Bianca, qui se lève pour lui faire la bise. Elle est grande et costaude, porte une robe et un châle en dentelle aussi noirs que ses cheveux et est coiffée à la garçonne.)
Lui — Bianca, je te présente Anne. Anne, Bianca.
Moi — Ravie de faire ta connaissance, Bianca. J’ai beaucoup entendu parler de toi.
Bianca — (Avec une voix douce et un air angélique.) Moi aussi. Ce défilé de femmes amoureuses de mon chum, c’est très… particulier.
Moi — (Tout sourire.) C’est ça le polyamour, han.
Bianca — (Avec une voix douce et un air angélique.) Oui, j’observe la chose comme Jane Goodall chez les chimpanzés. C’est très intéressant – du moins, jusqu’à présent.
Moi — (Surprise par ce commentaire franc et direct.) Ah… ok. Je ne savais pas qu’on pourrait être d’un intérêt… primatologique.
Bianca — (Avec une voix douce et un air angélique.) Mais non, mais non… c’est un intérêt ethnologique. Je suis curieuse de toutes les déviances. De la norme, s’entend.
Lui — (Nerveusement.) Ha ha ha ! Je vais vous laisser quelques minutes, je vais terminer le souper. (À son fils, assis mollement sur un fauteuil.)
Lui — Félix ! Mon cœur ! Peux-tu aller me chercher les poivrons dans le frigo du sous-sol ?
Félix — (Visiblement de mauvais poil.) Demande donc à ta blonde de le faire. La cuisine, après tout, c’est une affaire de femmes.
Lui — Félix ! Franchement ! Tu t’excuses à Bianca et tu vas me chercher ça tout de suite.
Félix — (Avec un air de défiance et sur un ton insincère.) Pardon. J’aurais pas dû dire : « c’est aux femmes de préparer la bouffe.»
Bianca — (Avec une voix douce et un air angélique.) Excuses acceptées. On ne peut pas exiger beaucoup plus de la part d’un garçon à peine pubère nourri à la mamelle des masculinistes sur internet.
Félix — (Visiblement stupéfait.) Euh.. han ? ah… ouin. Ok. (Il part au sous-sol.)
Moi — Wow. Ça l’a carrément scié les jambes, han.
Bianca — Ce n’est que la stricte vérité, n’est-ce pas…
Moi — C’est dans la manière… on m’avait dit que tu faisais ce genre de chose, mais il fallait le voir et l’entendre pour le croire.
Lui — Félix est sur une mauvaise pente en ce moment. Il ne veut plus voir sa mère et il nous balance constamment ce genre de commentaire déplacé.
Bianca — (Avec une voix douce et un air angélique.) Il fait ce qu’il peut. Ce n’est sûrement pas simple d’être un adolescent de nos jours, avec des parents divorcés dont le père a une vie amoureuse hors normes. Déjà que c’est difficile dans une dynamique plus normale…
Lui — (Mal à l’aise.) Ben, ça se discute. Je ne crois pas que mon orientation relationnelle soit malsaine…
Moi — (Fascinée.) Tu n’as pas du tout de filtre, toi, han ?
Bianca — (Avec une voix douce et un air… ok, vous avez compris le principe.) Je crois qu’il est important de rester dans la vérité.
Moi — Je dirais plutôt TA vérité.
Bianca — (Sur le même ton.) Je n’en connais pas d’autre.
Lui — (Un peu plus mal à l’aise.) Bianca a sa façon bien à elle de s’exprimer. Avec elle, on a toujours l’heure juste.
Moi — (En tentant d’être aussi douce et angélique que Bianca.) Je veux bien, mais les relations entre personnes qui viennent de se rencontrer on besoin d’un peu de lubrifiant social, sinon ça accroche et ça irrite.
Bianca — (Avec une douceur et un angélisme plus efficace et compétant que ceux de Moi.) La vie est trop courte pour s’empêtrer dans les faux-semblants et l’hypocrisie.
Moi — (Revenant à son ton sarcastique habituel.) Bianca, je pense que c’est le début d’une belle amitié.