Troy — (S’éponge le front.) Il fait chaud.
Moi — Très chaud. Ça fait du bien d’être à l’ombre. Et puis, il y a quand même une bonne brise dans ce parc…
Troy — (Soupire.) On serait tellement mieux au Moco Loca, à la clim. Je m’ennuie de nos dimanches bourgeois.
Moi — Si j’avais fréquenté l’université de la vie, je dirais que ce virus a été créé en laboratoire pour nous empêcher de prendre notre café chaque semaine entre métamours.
Troy — Ha ha ha ! Moi je dirais qu’il a été créé pour rendre le port du masque socialement acceptable et me permettre d’avoir l’air badass.
Moi — Désolée de te contredire, mais tu n’as pas l’air badass pour deux sous avec ton masque. Tu as l’air d’un ange au visage voilé.
Troy — (Dubitatif.) Yeah, right.
Moi — Comment ça s’est passé pour toi, le confinement ?
Troy — Plutôt bien – mis à part le telework, i’ll never get used to that shit. J’avais surtout peur de rester tout seul, mais notre chum et Pierre se sont relayés pour habiter avec moi, so, there was continually love in air… and the sex was good.
Moi — Attends… es-tu en train de me dire que vous n’avez pas respecté les consignes du bon docteur Arruda et que vous n’avez pas pratiqué la monogamie sanitaire ?
Troy — Pfff. On porte des masques dès qu’on sort et on est tous sur la prep, c’est là que s’arrête notre prophylaxie. Et toi, la vie de nouvelle maman ?
Moi — C’est un casse-tête épuisant, mais c’est un beau casse-tête.
Troy — Blondine a accouché juste avant le confinement, right ?
Moi — Oui, mais l’hôpital était déjà sur un pied de guerre. Ça n’a pas été long que Blondine et le petit Liam ont été renvoyés à la maison.
Troy — Liam? I thought you were thinking about a wolof name…
Moi — C’est Oussemane qui n’était pas convaincu. Il préférait un prénom Queb, puisqu’il est né ici. Alors Blondine, Brigitte et moi, on a voulu en choisir un original, mais pas trop non plus… et c’est Brigitte qui s’est arrêtée sur Liam.
Troy — That’s relatively original…
Moi — Relativement, c’est bien le mot : Liam a été le prénom masculin le plus populaire de 2019.
Troy — Ha ha ha ! Well, that’s an interesting fail!
Moi — Il va pouvoir se fondre à la foule, c’est certain.
Troy — Et comment se passe le parenting à quatre ?
Moi — À peu près comme prévu, malgré la pandémie et la fin du monde en cours. Oussemane habite toujours avec Blondine et couvre le shift de nuit de façon magistrale, selon ce que Blondine raconte. Je me rends chez elle pour m’occupe du six à quatorze heures. Et il y a Brigitte qui nourrit tout le monde et fait la maman-gâteau – autant envers nous qu’envers le petit, si ça se trouve.
Troy — Et vous avez tous travaillé par-dessus tout ça ?
Moi — Seulement Oussemane. Blondine est en congé de maternité et moi sur la PCU. Pour ce qui est de Brigitte, je pense que c’est seulement depuis deux semaines que son ministère lui a fourni tout le nécessaire pour travailler à distance.
(Silence.)
Troy — Ok, you have waited long enough. Show me the pictures.
Moi — (En sortant mon téléphone.) Tu vas voir, il est tellement cuuuuuute ! C’est comme s’il avait choisi tout ce qu’il y a de plus beau chez Blondine et Oussemane !
Troy — Obviously.
Moi — Regarde celle-ci… avec le pyjama que lui a donné ma mère… oh ! Et ça c’est dans les bras de Roxane… Et celle-ci, avec Blondine qui allaite…
Troy — Nice.
Moi — Et celle-là… pendant que je dormais avec lui… avoue que c’est un cœur !
Troy — Weren’t you the gal who was convinced that having a kid is cruel in these times of ecological collapse?
Moi — Ok oui, bien entendu, mais tu lui as vu la face quand il sourit ?
Troy — (Attendri.) Une chance que personne ne se fie sur toi pour changer le monde, han.
Moi — Ce serait une erreur monumentale de leur part ennéoué.