Lui — (En soupirant.) La famille. On ne s’en sort pas : c’est la gale.
Moi — « Familles, je vous hais », disait André Gide.
Elle — Ah la la, ce n’était pas si mal. Vous exagérez encore. Soyez donc un peu plus positifs, mes poussins.
Moi — Tu as raison. C’était ok. Ta maman était charmante et pleine d’humour, mon chéri. Et ta sœur était…
Lui — Raciste.
Moi — J’allais plutôt dire « surprenante ».
Lui — Elle a des préjugés. Elle est quand même une bonne personne.
Moi — J’en doute aucunement, trésor.
Elle — Moi, je l’aime beaucoup, la belle-sœur.
Lui — Même si elle te fait toujours des commentaires plus ou moins subtils sur ton poids?
Elle — Meh. J’ai l’habitude de ce genre de chose. J’ai appris à passer outre.
Lui — Oui, mais est-ce que c’est comme ça qu’on fait avancer les choses ? En fermant les yeux sur l’intolérance ?
Moi — Il y a un temps pour s’insurger et un autre pour laisser aller. Et puis, je pense que c’est aux individus qui subissent ce genre de traitement de déterminer ce qui fait « avancer les choses », chéri.
Lui — Ouain.
Moi — Elles en avaient beaucoup à avaler d’un seul coup. Ça aurait pu être pire.
Lui — J’essaie de leur expliquer, mais c’est comme si je me frappais continuellement le front contre un mur – surtout avec Julie. Je te demande pardon pour elles.
Moi — Ben non, voyons. Il y a eu malaise, mais pas offense. C’était ok. Je les rencontrais pour la première fois, je voulais faire bonne impression et je pense que tout le monde est maintenant content.
Lui — (Soupire.) La famille, c’est la gale.
Elle — Pas la nôtre ! La nôtre est FABIOULOUSSE !
Lui — Tu veux dire nous trois et les enfants ?
Moi — Elle est fabioulousse pour toi, parce qu’on l’a choisie. Nos mômes ne seront peut-être pas de cet avis, plus tard.
(Long silence.)
Elle — HIIIIII ! Je viens d’avoir une IDÉE DE GÉNIE !
Moi — Hein ?
Elle — MARIONS-NOUS !
Lui — À trois ?
Elle —VOUIII !
Lui — Je ne pense pas que ce soit légal…
Moi — Et en plus, ça hiérarchise nos relations !
Elle —Je ne veux pas signer de contrat. Je ne veux pas devenir sexuellement et amoureusement exclusive envers vous. Je veux juste ME MARIER !
Moi — Je ne sais pas si ça me plaît. Ça sonne comme un autre compromis patriarcal.
Lui — Et comment on fait ça, se marier à trois ?
Elle — Je ne sais pas, mais on le fait LIVE ! Il faut qu’on se trouve des joncs tout de suite !
Lui — Qu’est-ce que tu en dis ?
Moi — C’est d’un romantisme fou. Ok, j’embarque.
Lui — Je dois bien avoir quelque chose qui ressemble à des joncs quelque part… (Il se lève et commence à fouiller dans ses tiroirs.) J’ai des anneaux de porte-clés…
Elle — Ouaou ! C’est PARFAIT ! Donne-les-moi, je vais faire la célébrante. Approchez-vous, la cérémonie commence !
(Toutes les trois debout devant le réfrigérateur.)
Elle — Par ces anneaux, je nous déclare mari, femme et licorne.
(Illes s’échangent les joncs.)
Elle — (Se tournant vers lui.) Maintenant, enlève-moi vite ces vêtements, car tu peux baiser les mariées – contre le comptoir de la cuisine.