Nicole — Allô?

Moi — Salut maman.

Nicole — Chérie! Comment vas-tu? C’est toujours le bonheur avec tes deux amours? Et comment vont Lou et les garçons?

Moi — Bien, ils vont tous bien… et toi?

Nicole — Je vais merveilleusement bien! J’ai adoré ma sortie de filles d’hier avec Lou, ça faisait trop longtemps qu’on n’avait pas passé du temps juste nous deux.

Moi — Elle a beaucoup aimé elle aussi. Et merci pour tous les vêtements que tu lui as achetés… ça me donne un sacré coup de pouce pour la rentrée.

Nicole — C’est tout naturel, ma chérie. Je ne me suis pas ruinée du tout… et puis cette gamine n’aime que le noir, disons que ça simplifie grandement le magasinage.

Moi — Je sais. Quand vous êtes ensemble, on dirait que vous avez échangé vos fringues et que c’est toi qui portes les vêtements de la fille de onze ans.

Nicole — Ha ha ha ! C’est vrai. Elle est vraiment comme toi… je ne suis jamais arrivée à te faire porter de la couleur. Même aujourd’hui, tu t’habilles encore comme une existentialiste des années quarante.

Moi — Ouais. On fait un beau duo mère-fille de pleureuses d’enterrement.

Nicole — Il y a tellement de trucs colorés qui sont à la mode en ce moment… en tout cas.

Moi — Lou est du genre réservée et laconique, alors le noir lui donne l’impression de passer inaperçue.

Nicole — Elle est encore jeune. Elle a le temps de développer ses propres goûts…

Moi — C’est vrai. Et qu’est-ce que tu as fait le week-end dernier?

Nicole — Pas grand-chose… je suis allée avec Maurice visiter la famille syrienne qu’on parraine… on a fait de la bouffe et j’ai donné un coup de main pour la rentrée des jeunes. Oh, et je suis pas mal avancée dans mes conserves, alors je leur en ai amené quelques pots…

Moi — As-tu fait du ketchup aux fruits?

Nicole — Bien sûr! Je t’en ai gardé, t’inquiète.

Moi — Yé!

Nicole — J’ai aussi jouée aux cartes avec les girls samedi. Et tu sais quoi? Je pense que Ginette est membre de la gang d’attardés qui s’organisent sur Facebook pour haïr les races… comment ils s’appellent, donc?

Moi — La Meute?

Nicole — Je pense que c’est ça, oui. Ça faisait quelques fois que je la voyais partager de drôles d’affaires… et la, pendant notre partie de bridge, voilà qu’elle commence à déblatérer au sujet des islamistes radicaux qui nous envahissent et toutes sortes d’autres conneries. Ensuite, elle a embrayé sur les haïtiens profiteurs qui viennent siphonner l’aide sociale…

Moi — Ouch.

Moi — Disons que j’avais envie de lui mettre ma main quelque part – et quand je dis « main », je ne parle pas de cartes à jouer, han.

Moi — Ha ha ha !

Nicole — Ça fait qu’elle a perdu pour de bon sa place à notre table et on a besoin de quelqu’un pour la remplacer. Ça te dirait?

Moi — Tu sais à quel point je déteste le bridge, maman.

Nicole — Meh. Une mère s’essaie. Tu n’aimes pas le yoga et j’ai quand même réussi à te convaincre de m’accompagner à une retraite fermée à l’ashram il y a trois ans…

Moi — Ton ashram était un resort au Mexique et j’ai passé la semaine à boire étendue sur la plage.

Nicole — Tu es revenue avec les chakras mal alignés, aussi.

Moi — C’est que le remplacement des fluides était compris au bar, mais pas l’alignement.

Nicole — Ha ha ha ! T’es nounoune !

Moi — Maman… tu te rappelles à quel point je détestais être la fille d’une hippe, quand j’étais petite ?

Nicole — Si je me souviens… tu avais presque honte qu’on soit vues ensemble en public.

Moi — Je te faisais des crises terribles… et je te criais des méchancetés…

Nicole — C’est normal. Beaucoup de filles passent par là.

Moi — Et bien je retire officiellement tout ce que j’ai pu dire à l’époque. J’étais une sale petite chipie trop gâtée qui ne comprenait ni sa chance, ni son bonheur.

Nicole — Aon! Tu es trop mignonne quand tu me fais des envolées d’amour filial. Que me vaut soudainement l’honneur?

Moi — C’est juste que lorsqu’on se compare, on se console.

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