Épisode 217

Pierre — (Soupire, en remuant son café.) Je ne comprendrai jamais les straights.

Troy — (Sur un ton badin.) Bon, voilà l’hétérophobe qui recommence !

Pierre — Ce n’est même pas un mot qui existe, ça, « hétérophobe ».

Moi — (En tapant à l’écran) Je viens de le trouver sur Wikipedia…

Pierre — Oh wow. Belle référence… montre-moi.

(Je lui tends mon téléphone.)

Pierre — « C’est en 1998 que le terme hétérophobie apparaît pour la première fois… » Querisse, aussi bien dire hier après-midi !

Moi — Bah. C’est un néologisme.

Pierre — De mauvais aloi !

Troy — Aloi ? What does that mean ?

Moi — C’est un mot qui n’est pas du tout un néologisme.

Troy — (Cherchant à son tour sur sur telephone.) 1268… De l’ancien français aloier, ancienne forme du verbe allier… Ok, I’m still confused.

Moi — Je t’expliquerai plus tard. Pour le moment, je veux savoir pourquoi Pierre a une montée soudaine d’hétérophobie.

Pierre — Je me suis rendu dans un cinéma porno le week-end dernier. Un cinéma où on présente des films hétéro.

Troy — Ça existe encore? Internet ― non, les magnétoscopes ! ― ne les a pas déjà tous tués ?

Pierre — Apparemment non. Et laisse-moi te dire que l’action était plus intéressante dans la salle que sur l’écran !

Moi — Dois-je comprendre que la clientèle se dévergondait et que la réalité imitait l’art ?

Pierre — Tu parles ! Lorsque mes yeux se sont habitués à la noirceur, j’ai vu qu’au fond, dans les derniers rangs, il y avait des vieux qui visiblement se polissaient le trombone à l’unisson. Il y avait aussi un jeune latinx aux cheveux longs qui n’arrêtait pas d’amener des mecs aux toilettes à l’avant, sur le côté droit de l’écran.

Moi — Latinx… c’est un néologisme ça, non ?

Pierre — De bon aloi.

Troy — That word again…

Moi — (Après avoir pris une bouchée de mon spéculos.) De types qui se branlent en regardant de la porn… rien de bien surprenant. Je ne vois pas pourquoi tu en fais tant un plat.

Pierre — Attends la suite. Il y avait un jeune, plutôt beau gosse, assis directement devant moi. Lui aussi se branlait, évidemment. Après quelques minutes, un costaud vêtu de cuir de la tête aux pieds est venu s’asseoir à côté de lui. Ça n’a pas été bien long avant que le lascar ne prenne les choses en main ; le kid a fini par lui mettre une main sur la nuque et tirer sa tête vers le bas…

Troy — And you didn’t join the action ? Franchement, ça me surprend de toi…

Pierre — Disons que j’étais trop stupéfait pour réagir. Sur l’écran, une fille se faisait farcir en gloussant pendant que juste en dessous, au vu et au su de tous, une demi-douzaine de mâles suçaient les queues qui voulaient bien se présenter à eux. Lorsque l’un deux remonta l’allée pour quitter, il avait encore la joue tartinée de foutre.

Moi — Je ne vois toujours pas pourquoi tout ceci te bouleverse à ce point. À ce que je sache, tu as participé à des orgies autrement plus déchaînées – si je me fie aux poèmes que Troy a chipés dans ton tiroir.

Pierre —  En sortant, j’ai discuté avec le bonhomme du guichet, qui s’est avéré être le proprio. Il m’a dit que la scène dont j’avais été le témoin n’avait rien d’inhabituel. En fait, je n’avais rien vu ; le soir précédent, un jeunot s’était foutu à poil sur la scène et s’était fait enculer par tout l’auditoire. Mais tu sais ce qui est le plus choquant ?

Moi — Non, quoi?

Pierre — Il m’a dit que la seule fois qu’il a osé projeter un film gay, toute la salle est sortie pour se plaindre. Certains ont même réclamé un remboursement !

(Surpris, Troy et moi fixons Pierre.)

Pierre — (En remuant encore son café refroidi.) Je ne comprendrai jamais les straights, soupira Louis en remuant son café refroidi.

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