(Après le départ du dernier client, je prends un café avec Maîtresse Sweet Domination dans le backroom de son donjon.)
Maîtresse SD — Tu t’es vraiment bien débrouillée.
Madame Séverine — Merci. Là, j’ai hâte d’enlever ce kit de latex et de redevenir moi-même. Il fait chaud en querisse là-dedans. Sans compter ce léger fumet de pisse…
Maîtresse SD — (En déposant sa tasse.) Pour une première fois, c’était très bien. Tu es une naturelle, je suis vraiment satisfaite de tes services.
Madame Séverine — Tu es trop gentille. Ça fait quand même des années que je marine jusqu’au cou dans le BDSM, alors je n’en suis pas vraiment à mes premières armes.
Maîtresse SD — Je voulais dire : première fois comme travailleuse du sexe.
Madame Séverine — Ben, ça non plus ce n’est pas exact. J’ai été TdS il y a une quinzaine d’années. Au mieux, tu peux dire que je ne suis pas trop rouillée.
Maîtresse SD — Tiens? Je n’étais pas au courant de cette épisode de ta vie proprette et rangée…
Madame Séverine — C’est parce que tu ne m’as pas posé la question.
Maîtresse SD — Shit. J’oublie toujours de questionner les candidates au sujet de l’expérience de travail pendant les entrevues d’embauche. Tu as été TdS pendant combien de temps?
Madame Séverine — Pendant un peu plus d’un an. J’étais dans le métier sous le pseudonyme subtil – et latin – de Stella Obcura.
Maîtresse SD — Classieux.
Madame Séverine — Ce qui est particulier, c’est que pendant tout ce temps je n’ai eu qu’une seule femme cliente, alors que je t’ai assisté pour une cliente ici dès le premier jour.
Maîtresse SD — Moi aussi je n’en ai qu’une seule et c’est une régulière depuis maintenant trois ans. Mais je suis curieuse… raconte-moi ta rencontre avec ta seule et unique cliente.
Madame Séverine — Elle était restauratrice.
Maîtresse SD — Aon.
Madame Séverine — Elle m’avait donné rendez-vous à son restaurant. Quand j’ai ouvert la porte de la cuisine, elle avait le nez dans une casserole et criait des ordres sur un ton sec à ses employés qui s’activaient frénétiquement.
Maîtresse SD — De quoi est-ce qu’elle avait l’air?
Madame Séverine — Elle était blonde avec des yeux noirs, la peau colorée comme une brune, avec quelque chose de rouge et de scintillant dans le sourire. Ses cheveux s’échappaient en mèches rebelles de sa toque et ses formes généreuses semblaient être sur le point de déborder de sa tunique blanche et de son tablier qui la ficelaient comme un saucisson. Tu sais à quel point j’aime les femmes bien en chair…
Maîtresse SD — Ah ça…
Madame Séverine — Enfin bref. Quand elle m’a vue, elle a été si surprise qu’elle en a échappé sa cuiller de bois dans sa soupe. En essuyant ses mains sur son tablier elle s’est approchée de moi, puis elle m’a parlé tout bas, nerveusement, sur le ton hésitant et nerveux qui était le sien au téléphone quand elle a pris rendez-vous et qui contrastait avec celui qu’elle employait avec ses employés. Elle m’a dit en bafouillant «vous êtes un peu trop tôt, nous ne fermons que dans trente minutes et ensuite, il y aura encore des gens et on ne pourra pas faire ce qu’on a à faire».
Maîtresse SD — Elle ne t’a pas fait poiroter trop longtemps, j’espère.
Madame Séverine — Un peu, mais ça valait la peint : elle m’a fait asseoir près de la porte des cuisines, derrière une haie de plantes vertes, en me disant qu’elle me ferait envoyer un «petit quelque chose » pour me faire patienter.
Maîtresse SD — C’était bon?
Madame Séverine — Et comment. Croustillant de cèpes et girolles aux marrons, brochette de Saint Jacques et gambas avec crème de persil et petite poêlée aux légumes et pour dessert, une île flottante aux pralines roses.
Maîtresse SD — Tu n’étais pas végétarienne à l’époque?
Madame Séverine — Si, mais j’étais aussi affamée. Moi qui n’avais mangé que des pâtes et des lentilles en boîte depuis plus d’un an, j’étais servie.
Maîtresse SD — Qu’est-ce qui s’est passé ensuite?
Madame Séverine — Lorsque tous les clients ont fini par quitter le restaurant que les chaises ont été placées sur les tables et que les employés ont pris leur congé, ma cliente est finalement sortie de sa cuisine. Je l’ai accompagnée jusqu’à une petite chambre, à l’arrière de son restaurant et quinze minutes plus tard, nous en étions déjà dans le vif du sujet. Tout était humide: la nuit, la chambre, la chair de ses cuisses et surtout, cette masse pâteuse et appétissante qu’elle m’offrait en sacrifice. Nue, face au mur, à quatre pattes sur le lit aux draps tachés, enfouissait sa tête dans l’oreiller et attendait que je lui rende le service pour lequel elle m’avait payé deux fois plutôt qu’une.
Maîtresse SD — Ce service étant…?
Madame Séverine — D’abord une bonne vieille fessée des familles, tout simplement. Avec la grande cuillère de bois qu’elle m’avait donnée – celle qu’elle avait échappé dans la soupe plus tôt dans la soirée. Je l’ai fustigée encore et encore, jusqu’à ce qu’elle hurle, jusqu’à ce que son cul écarlate irradie comme un fourneau. Les dents serrées, elle émettait de petits couinements entrecoupés de respirations rapides et superficielles. Quand elle s’est mise à sangloter et à renifler, j’ai arrêté pour la laisser reprendre un peu son souffle, avant de passer au second service.
Maîtresse SD — Laisse-moi deviner… Elle t’a fait manger une seconde fois, c’est ça?
Madame Séverine — Exact. Après la fessée, elle était béante, coulante. Ses parfums remplissaient mes narines. Moi qui n’avais pas dégusté de chair féminine depuis des mois… j’allais – encore une fois – être drôlement servie. Je l’ai léchée en lui mettant deux doigts vigoureusement, comme elle me l’avait demandé. Elle s’est mise à grogner, à crier puis, après quelques convulsions et grincements de dents, elle s’est immobilisée, crispée, pendant quelques secondes, puis s’est effondrée sur le lit en s’y répandant comme une motte de beurre.
Maîtresse SD — En résumé, tu lui as offert le spécial du chef.
Madame Séverine — Yup. Sur son corps, on pouvait lire les marques de mon passage: rougeurs, ecchymoses, sang, et rigoles de larmes. En se rhabillant, elle m’a remercié à profusion en m’assurant de son entière satisfaction.
Maîtresse SD — Et tu ne l’as jamais revue.
Madame Séverine — Ouais. Jamais.
Maîtresse SD — (Après avoir avalé sa dernière gorgée de café.) Tu vois, c’est ce qui distingue une dilettante douée d’une professionnelle. Moi, mes clients reviennent toujours.
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Très savoureux à lire ce dialogue.
On ne perd pas de vue une cliente comme ça.
A moins, que,(l’histoire ne le dit pas), le pourboire
n’a pas été à la hauteur de la dégustation.
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c’est ce qui distingue une écrivaine douée d’une professionnelle. Moi, mes lecteurs reviennent toujours.
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IL manque les axtérixtes à cette citation. J’implore indulgence,!
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