Épisode 336

Après des mois de pandémie, c’est le retour du dimanche bourgeois au chic café Moca Loca en compagnie de Troy et Pierre.

Moi — (Après avoir déposé ma tasse de thé sur la table.) Qu’est-ce que c’est bon de reprendre nos bonnes vieilles habitudes !

Pierre — Avec des masques, du gel hydroalcoolique et de la distanciation sociale en sus.

Troy — Better than nothing, dear.

Pierre — Évidemment. C’est juste que je n’ai pas fini de faire le deuil de la normalité.

Moi — Attache ta tuque, ça ne fait que commencer. Les changements climatiques sont là.

Pierre — (Soupire.) Je m’ennuie de mon adolescence, dans les années quatre-vingt. Notre seule crainte était l’apocalypse nucléaire… c’était moins angoissant.

Troy — I read lately in Newsweek that most of those bombs are still sitting there, ready to be launched. C’est juste qu’on y pense moins de nos jours.

Pierre — (Grimace en portant la main sur son ventre.) Aie. Mes ulcères.

Moi — Pauvre chou. Jeune quinquagénaire et déjà si usé par la vie.

Troy — (Soupire.) C’est dommage que l’urgence sanitaire nous ait empêché de fêter comme il se doit ton demi-siècle.

Pierre — Bah. On se reprendra. Je suis sûr que le gouvernement donnera bientôt explicitement le feu vert pour les orgies dans les maisons privées.

Moi — Ha ! J’imagine François Legault déclarer ça en conférence de presse! « La la la, les petits amis, vous pouvez faire des petites orgies, mais pas des grosses partouses, han. Donc pas plus de vingt paires de fesses provenant de cinq bulles familiales, parce que sinon papa sera pas content! »

Pierre — Il trouverait ça dissicile à dire !

Troy — (Pouffe dans son café.) HA HA HA ! Stop you guys, I’m making a mess ! (Il éponge le café renversé avec des serviettes de table en papier.) Est-ce que le donjon de Mistress S.D. est toujours fermé? Je me disais qu’on pourrait le louer pour la fête en retard de Pierre…

Moi — Pour la location, il faudra voir avec elle, mais puisque le donjon reprend ses activités cette semaine, je ne suis pas sûre qu’elle ait beaucoup de disponibilité à offrir.

Pierre — C’est donc la fin de tes vacances forcées ?

Moi — Je préfère dire chômage technique, parce que je n’ai pas arrêté de travailler sur d’autres choses. Mais oui, Madame Séverine reprend du service.

Troy — You must be relieved. You know… financially wise.

Moi — Oui, bien sûr, parce que je commence à être sérieusement cassée. Sauf que je vais regretter tout ce temps dont je disposais pour écrire.

Pierre — Tu as été prolifique? Moi, je n’ai presque rien écrit depuis au moins un an…

Moi — C’est le cas de bien des gens. La pandémie a étouffé beaucoup d’élans créatifs.

Pierre — Au point où je me demande si ça va un jour revenir. Au début, je fixais la page vide pendant de longues minutes avant d’abandonner. Maintenant, je n’ose même plus m’installer au clavier, ça m’angoisse.

Troy — Poor babe ! Je suis sûr que ça va revenir.

Pierre — Je ne sais pas. Je suis vieux, maintenant. Peut-être que je n’ai plus rien à dire…

Troy — Shut up! You’re not old at all.

Pierre — C’est comme ça que je me sens, en tout cas. Mais toi, Anne, tu me dis que tu as beaucoup écrit… où en sont tes projets?

Moi — J’ai ajouté une rubrique « échéances d’écriture » à mon agenda polyamoureux, c’est dire. Je n’avais jamais eu à tenir mon emploi du temps pour mes activités créatrices, avant.

Pierre — Wow.

Troy — What are you working on?

Moi — (Je sors mon agenda – papier, comme il se doit – de mon sac.) Voyons voir… Pour commencer, j’ai un manuscrit en ce moment chez un éditeur.

Pierre — Encore de la littérature érotique?

Moi — Non, pas cette fois. Ça s’intitule Commentaires désobligeants et c’est un recueil d’aphorismes. Du genre que sème sur internet depuis des années.

Troy — Nice ! Et quand va-t-on pouvoir lire ça?

Moi — Cet automne, si tout va bien. J’attends les révisions de l’éditeur pour connaître l’ampleur de la tâche de réécriture.

Pierre — Je suis content de savoir que tu vas occuper un peu plus d’espace dans ma bibliothèque!

Moi — Un centimètre d’épaisseur de plus, probablement.

Troy — Ha ha ha!

Pierre — Quoi d’autre?

Moi — Mille affaires. (Je feuillette mon agenda.) Je travaille aussi sur un projet de livre-objet. Ça va s’appeler La mesure de l’outil et ça prendra la forme d’un ruban à mesurer – accompagné d’un mode d’emploi. Le texte va porter sur l’importance ou non de la taille du pénis et sera imprimé sur les deux côtés du ruban : l’un dira que la taille n’a pas d’importance, l’autre dira qu’elle en a.

Pierre — Belle adéquation entre la forme, le fond et le format.

Moi — C’est ce que j’essaie de faire, de plus en plus. Éventuellement, je pense que je ne vais sortir que des livres-objets à d’infimes tirages, juste pour mon plaisir égoïste de les tenir entre mes mains!

Troy — Says the girls who publishes freely almost everything she writes on the web.

Moi — Meh. Je n’ai fait vœu ni de chasteté, ni de cohérence.

Pierre — En tout cas. On peut dire que tu t’es tenue occupée.

Moi — Oh, c’est loin d’être tout. J’ai écrit des tas de trucs pour L’idiot utile. Un article… en fait, non, plutôt l’équivalent de trois… plus une grille de mots croisés, une bande dessinée de A-Nancy et probablement aussi des illustrations pour un autre article… et une chanson pour le prochain numéro, ainsi que d’autres qui seront aussi mises en musique par Kitty French…

Troy — My god! That’s a lot.

Moi — Attend, ce n’est pas tout. Je continue à alimenter mes mille blogs et j’ai promis des textes à deux autres revues. Et puis j’ai deux autres manuscrits sur lesquels je travaille en parallèle…

Pierre — Ta version corrigée d’Angéline de Montbrun?

Moi — Oui, et aussi mon roman à contrainte BDSM intitulé La comtesse de Cadente.

Pierre — Re-wow.

Moi — Et je ne parle pas des autres petites bricoles que je fais on the side. Et des autres projets qui me trottent dans la tête et que je n’ai pas encore amorcés.

Troy — C’est plate que ce bel élan soit interrompu par ton retour au travail.

Moi — Meh. Je me dis qu’aller fouetter des culs et torturer des couilles, ce sera presque des vacances.

Pierre — (En finissant son café.) Tu es un vrai bourreau de travail, ma chérie.

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