Épisode 338

La triade est assise à une table d’un restaurant hors de prix. Avant de s’y rendre, la licorne a rasé ses jambes pour la première fois depuis avril 2020 – c’est dire à quel point l’occasion est spéciale.

Elle — SI vous saviez comme je suis contente qu’on sorte enfin à trois, mes poussins en su-sucre! Comme au bon vieux temps!

Lui — Cinq ans de vie de triade, il fallait bien fêter ça.

Moi — (Soupire.) Pendant que la covid nous le permet encore.

Elle — Toujours aussi optimiste, mon poussin grognon, n’est-ce pas?

Moi — Bien sûr. C’est un memento mori, en quelque sorte ; le repas aura d’autant plus de saveur sachant que c’est peut-être le dernier qu’on pourra savourer en amoureuse compagnie avant un temps.

Elle — « Mes mentos au riz » ? C’est quoi ça ?

Moi — Un bonbon japonais qui peut transformer une bouteille de coke diète en fontaine brune.

Lui — Ne l’écoute pas, elle te niaise, encore.

Elle — Je sais bien, poussin nigaud. Je voulais juste voir quelle allait être sa répartie.

Moi — Quelle note me donnes-tu ?

Elle — Quatre étoiles, très habile avec la langue.

Moi — Aon !

Lui — En attendant qu’on nous apporte nos plats, j’ai quelque chose pour vous deux. (Il sort de sa veste deux petites boîtes enveloppées de papier doré.)

Elle — Un cadeau de cinquième anniversaire de non-mariage !

Moi — (Bafouille.) Tu n’aurais pas dû… moi je ne vous si rien acheté…

Lui — Chacune selon ses besoins, chacun selon ses capacités, non?

Elle — (En ouvrant la boîte.) Oh maille gode ! Poussin dément ! Il est magnifique !

Lui — Attend, je vais t’aider à le mettre. (Il se lève et lui attache le rang de perles derrière la nuque.)

Elle — Je me sens comme Audrey Hepburn ! Tu as dû te ruiner !

Lui — Remercions mon syndicat pour la paie rétroactive qui l’a financé.

Elle — Et toi, poussin estomaqué, qu’est-ce que tu as reçu ?

Moi — Je… je ne peux pas accepter ça.

Lui — Je sais que tu n’es pas fan de colliers, alors je suis allé avec les boucles d’oreilles…

Moi — Ça doit valoir deux mois de loyer, si ce n’est pas plus…

Elle — Laisse-toi donc gâter, pour une fois.

Lui — Je t’aurais donné plus, si j’avais pu.

Moi — Je ne sais pas quoi dire.

Lui — Juste m’embrasser sera amplement suffisant, si tu as envie de le faire, évidemment.

Moi — Et comment ! (Je l’embrasse.)

Elle — Trinquons à cinq ans de bonheur, mes lapins en nougat !

Lui — À cinq autres années d’amour !

Moi — Que nous puissions danser à trois jusqu’à la fin des temps !

Lui — Wow. Je me trouvais optimiste avec mes cinq années.

Moi — Attend de savoir à quand je prévois la fin des temps avant de me traiter d’optimiste, chéri.

Elle — En autant que ce ne soit pas dans un mois, parce que moi aussi j’ai un cadeau pour vous. (Elle sort son téléphone de son sac à main.) Regardez ce que j’ai loué pour un week-end !

Lui — Nice !

Elle — Avec spa… cinq chambres… une table de billard sur laquelle se faire baiser…

Moi — Cinq chambres ?

Elle — Oui ma belette étonnée ! J’ai invité tout le polycule : Blondine, Ousmane, Troy et Pierre, Maël et Bill, Roxane… j’ai même demandé à ta mère de garder Liam et elle a accepté !

Moi — Tu aurais dû m’en parler plus tôt! Je travaille probablement au donjon ce week-end-là.

Elle — Aucune chance. Marlène et Simone vont nous rejoindre samedi.

Moi — Et toi, ça ne te torturera pas trop de revoir Troy ?

Lui — Je me suis fait une raison et nous nous sommes promis de rester amis. Ce sera l’occasion de mettre cette promesse à l’épreuve. Et toi, tu vas arriver à tolérer Roxane ?

Moi — (Après avoir pris une gorgée de champagne.) Probablement pas, mais c’est tout le charme de notre relation, après tout.

Elle — Alors c’est oui ?

Moi — Évidemment que c’est oui.

Lui — Yes ! Vous allez voir, je suis imbattable au billard.

(Elle et lui se taisent soudainement et me regardent comme s’iels attendaient quelque chose.)

Moi — Quoi ?

Elle — Dis-le !

Moi — Dis-le quoi ?

Lui — Ton jeu de mots atroce de billard avec «boules», «queues» et «poches» !

Moi — Pfff. Je ne gâcherais jamais une soirée aussi parfaite avec une telle vulgarité.

Elle — Vivement notre week-end avec Roxane, dans ce cas.

Lui — Oui, il est vraiment temps de retrouver un peu de vulgarité dans ce feuilleton.

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