(Le téléphone sonne. Il est neuf heures trente du matin.)
Moi — (Bâillement) Allô ?
Lui — Allô ma chérie ! Est-ce qu’Elle est chez toi ? J’ai appelé à son bureau et elle n’y est pas…
Moi — Oh shit. J’ai complètement oublié de t’avertir. Oui, Elle est ici.
Lui — Ouf. Je commençais à m’inquiéter… elle a l’habitude de revenir aux petites heures de ses rendez-vous avec Roxane, mais d’habitude elle revient avant six heures quand elle travaille… Qu’est-ce qui se passe ? Elle est malade ?
Moi — Elle a passé une nuit blanche à pleurer dans mes bras, après une soirée de chiotte en compagnie de Roxane qui s’est soldée par une rupture.
Lui — Quoi ? Elles se sont quittées ? Pour vrai ?
Moi — Oui. Rox a craché une insulte random de trop. C’est la goutte de vomi qui a fait déborder la bassine.
Lui — Beurk. Tu as de ces figures de style, ce matin…
Moi — (Bâillement) Désolée, je n’ai pas beaucoup dormi.
Lui — Qu’est-ce que Rox a dit de si terrible pour qu’Elle décide de rompre ?
Moi — Roxane a parlé de toi en des termes si peu élogieux que je préfère t’en faire grâce.
Lui — Qu’est-ce que j’ai à voir dans tout ça ?
Moi — Semblerait que Rox a flippé quand Elle lui a dit que vous aviez une sortie ce week-end et qu’elle ne pourrait pas l’accompagner à sa ride de bécik à gaz.
Lui — Ben là… toi et moi on a annulé des tas de rendez-vous pour accommoder Roxane.
Moi — Je pense même que c’est la première fois qu’elle se faisait dire non. La madame n’a pas été contente, visiblement.
Lui — C’est étrange comme réaction.
Moi — Tu trouves ? Il me semble plutôt qu’elle a réagi exactement comme ce qu’on connaît d’elle.
Lui — C’est de la jalousie. On peut tous en ressentir…
Moi — Je sais, mais là, elle nous a accusés tous les deux de l’empêcher de vivre son amour, en disant qu’elle voudrait être en relation monogame avec Elle.
Lui — Roxane a dit ça pour vrai ? « Je veux être en relation monogame avec Elle » ?
Moi — Pas vraiment, mais c’est ça que ça voulait dire.
Lui — Qu’est-ce qu’elle a dit, exactement ?
Moi — Je ne sais plus… elle m’appelé il y a une trentaine de minutes et ça faisait à peine deux heures que je dormais…
Lui — Je pense que l’esprit de tout le monde est un peu trop échauffé et embrumé. Il faut attendre que la poussière retombe. Tu diras à Elle de ne pas prendre de décision précipitée.
Moi — Attends une minute… Elle a pris la bonne décision, tu ne trouves pas ? Il était temps qu’elle sorte de cette relation toxique !
Lui — Relation toxique ?
Moi — Tu tombes des nues ou quoi ? On parle de Roxane, ici. Madame Alt-Right qui me traite de tous les noms depuis le premier jour et qui ne s’est pas gênée hier pour s’attaquer à ton apparence et à ton intelligence.
Lui — Oui, elle est pas mal abrasive quand elle s’y met.
Moi — Abrasive ? Je dirais plutôt abusive ! C’est dans l’intérêt de notre chérie de se sortir au plus vite de cette relation, avant qu’elle se fasse encore plus de mal !
Lui — Qu’est-ce que tu en sais ?
Moi — Comment ça, « Qu’est-ce que j’en sais » ? Tu les a vus aller !
Lui — Justement. Je les ai vus aller. Elle a toujours l’air de flotter sur un nuage quand elle revient d’un rendez-vous avec Roxane. Et tu étais comme moi au chalet, cet été… tu as vu comme Elle était heureuse…
Moi — Sauf que cette fois-ci, Rox a été violente verbalement…
Lui — Envers Elle ?
Moi — Non. Envers toi et moi. C’est ça qui l’a blessée. Rox a prétexté que c’était de l’humour, mais faut pas nous prendre pour des caves. Si elle peut être violente verbalement avec nous, elle peut sûrement être violente avec notre chérie.
Lui — Mais l’a-t-elle été ?
Moi — Je ne sais pas. Probablement pas… mais je n’ai aucune envie de lui laisser le temps de l’être.
Lui — Tu vois, c’est ça le fond du problème. Ce n’est ni à toi, ni à moi de décider de l’avenir de cette relation.
Moi — C’est une relation abusive !
Lui — Si c’est le cas, nous sommes là pour la protéger et l’aider – si elle veut de notre protection et de notre aide.
Moi — Il n’est pas question que je la laisse se faire du mal ! Il faut lui faire comprendre qu’elle a fait le bon choix et l’empêcher de retourner dans les bras de cette bikeuse mal embouchée !
Lui — Ce que tu vas faire, c’est retourner au lit avec Elle et dormir. Je vais essayer de quitter le travail de bonne heure et je vais vous rejoindre dans le demi-sous-sol avec de quoi manger, pour que nous puissions discuter tous les trois l’estomac plein et la tête reposée – si Elle en a envie, évidemment.
Moi — Pfff. Je déteste quand tu fais ton Monsieur Gérard.
Lui — Monsieur Gérard ?
Moi — Ouais. Monsieur Gérard Mentort.
Lui — Ha. Ha. Ha. Au lit ma puce, tes jeux de mots deviennent niaiseux.
Moi — Comme d’habitude, quoi.