(On sonne à la porte du demi-sous-sol. Ma fille va ouvrir.)
Lou — Salut.
Elle — LOOOOUUUU ! Ma Louloute en pain d’épice !
Lou — Salut.
Elle — Comment vas-tu, ma grande ?
Lou — Meh.
Elle — Ta maman est là ?
Moi — Je suis dans la cuisine !
Elle — J’ai acheté des tas de trucs pour souper à la boulangerie Beirut ! De la fattouche, des fatayers aux épinards, des feuilles de vigne farcies, du hommous, des falafels… et des pitas encore chauds, tout frais sortis du four !
Moi — Woo hoo ! Et moi, j’ai presque terminé le couscous. Ce sera tout un festin !
Lou — Maman a aussi acheté des Froooute Looupses et des Pope Tartes en fin de semaine, mais elle n’a pas voulu que j’en mange avant demain matin.
Elle — Ah ha ! Je savais qu’elle ferait ça, alors j’ai prévu le coup : j’ai aussi apporté du bon vieux lait de vache homo des familles.
Moi — (Soupire.)
Elle — On va pouvoir s’offrir un bol de Froooute Looupses 100% exempt de lait d’amande ou d’autres trucs bons pour la santé du même genre !
Lou — (Dans un rare moment d’enthousiasme.) Yé !
Moi — Le monde entier se ligue pour que ma fille s’empiffre de cochonneries.
Elle — Arrête donc ! Une fois n’est pas coutume… han, Lou ?
Lou — (Revenant à son naturel.) Meh.
Moi — Va faire tes devoirs, mademoiselle malbouffe. On mange dans trente minutes.
Lou — Ok. (Elle part dans sa chambre.)
Elle — Eille ! Il faut absolument que je te montre quelque chose.
Moi — Ah ?
Elle — Mère courage a construit une nouvelle fucking machine et j’ai servi de cobaye pour la tester vendredi dernier !
Moi — Oh !
Elle — On a mis la vidéo sur notre profil Fetlife. Attends, je vais te montrer…
Moi —Je savais bien que vous alliez avoir du fun même si je n’étais pas là.
Elle — Tu as changé le code du wifi ?
Moi — Oui. Je l’ai noté dans la dernière page du carnet noir qui est dans le tiroir du haut.
Elle — Ok ! Tu vas voir, chéri a bricolé tout un engin cette fois-ci. C’est kinky à mort !
Moi — Aon ! Aon !
Elle — Je trouve pas le carnet…
Moi — Lou a dû le placer dans le deuxième tiroir.
Elle — Il n’est pas là non plus… hey ! C’est quoi ça ?
Moi — Hein ?
Elle — Une carte de souhaits… ?
Moi — C’est rien. J’aurais dû la foutre au recyclage.
Elle — Shit… C’est le fameux David ?
Moi — C’est rien, je te dis.
Elle — Rien ? Ça me donne froid dans le dos… j’en tremble.
Moi — Je l’ai bloqué sur Facebook et sur mon téléphone, alors il capote un peu.
Elle — « Capote un peu » ? Bel euphémisme. Il te fait des menaces de mort !
Moi — Pas directement…
Elle — Come on ! « Je veux qu’on soit ensemble dans la vie ET DANS LA MORT »… et en plus il a dessiné un crâne ! Qu’est-ce que tu veux de plus ?
Moi — Tu exagères.
Elle — J’espère que tu as appelé la police.
Moi — Tu sais bien que ce n’est pas mon genre d’appeler les flics.
Elle — On ne parle pas de donner l’itinéraire d’une manif ou de dénoncer un de tes petits camarades, là. On parle de ta sécurité.
Moi — Il ne fera rien. Il a juste essayé une fois d’entrer dans le demi-sous-sol et…
Elle — Wo minute ! Il sait où tu habites ?
Moi — Évidemment. Comment aurait-il pu me poster sa carte, autrement ?
Elle — Aie. Imagine s’il décide de se pointer ici…
Moi — Oh, il l’a déjà fait… Il était saoul et a essayé de bloquer la porte avec son pied quand j’ai voulu la fermer.
Elle — QUOI ?
Moi — Il a ensuite frappé sur la porte en gueulant des trucs incohérents. C’était intense.
Elle — OH NON ! CE TYPE EST UN FOU DANGEREUX !
Moi — Chut !
Elle — DIS-MOI QU’IL NE T’A PAS FAIT DE MAL !
Moi — Moins fort !
Elle — Dis-le moi !
Moi — Il ne m’a pas touchée. Maintenant, baisse le ton, je ne veux pas que tu fasses peur à Lou.
Elle — J’espère qu’elle n’était pas là quand ça s’est passé…
Moi — Justement, elle y était et je ne veux pas qu’elle fasse de l’angoisse à ce sujet.
Elle — Ma belette en pouding… il faut que absolument que tu appelles la police. Si tu ne le fais pas pour toi, fais-le pour ta fille.
Moi — Je vais régler le problème moi-même, t’inquiète.
Elle — Tu as peur de tout, ma punaise de lit en chocolat ! Comment peux-tu penser que tu vas régler par toi-même un problème de psychopathe qui te fait des menaces de mort ? Si tu n’appelles pas la police, je vais le faire à ta place !
Moi — Il n’en est pas question ! C’est mon problème, je vais le régler moi-même, à ma façon.
Elle — Mais…
Moi — Et je veux que tu me promettes d’en parler à personne. Même pas à Mère courage.
Elle — Je ne peux pas promettre une chose pareille. Je m’inquiète pour toi !
Moi — Promets !
Elle — Je n’en parlerai pas à Mère courage. Promis.
Moi — Bon.
Elle — Je peux savoir qu’est-ce que tu as l’intention de faire pour régler ça ?
Moi — J’ai ma petite idée. Fais-moi confiance.
Elle — Je ne suis pas rassurée du tout.