(Au lit avec ma blonde, revenue au demi-sous-sol après une longue absence.)
Moi — Alors, la lune de miel à Cancún… comment c’était ?
Elle — Ma chouette en nougat, tu aurais ADORÉ! Je n’ai jamais vu autant de filles adorables et DTF au même endroit de toute ma vie!
Moi — Contente que tu aies aimée, parce qu’à cinq mille dollars US pour une semaine…
Elle — On en a eu pour notre argent, t’inquiète! Sept jours de soleil et de farniente dans un resort LGBTQ friendly en compagnie de centaines de lesbiennes kinky, échangistes, naturistes et polyamoureuses… ça valait chaque cent…
Moi — … que Roxane a dépensé.
Elle — (Hausse les épaules.) Mon épouse aime me gâter. Qu’est-ce que je peux y faire ?
Moi — En profiter, han. Vous avez fait des rencontres ?
Elle — Oh que oui, ma sauterelle en caramel ! Je pense que j’ai friendé une douzaine de filles sur Facebook. (Elle me montre son téléphone.) On a rencontré celle-là à l’atelier sur le fisting… ces deux-là à l’orgie sous les étoiles… et ce couple dans le spa… j’ai léché la brune pendant que sa blonde me doigtait… on avait tellement bu ce soir-là… Oh, et ça, c’est Mila, elle est Allemande… c’est une Domina et elle s’entendait avec merveille avec Rox, j’ai rarement vu une telle complicité…
Moi — Est-ce qu’elle parlait anglais ou français ?
Elle — Non.
Moi — Alors tout s’explique.
Elle — Arrête donc ! Rox a été appréciée de toutes ! Si ça se trouve, elle était pas mal plus populaire que moi !
Moi — C’est sûr qu’un tel phénomène devait être exotique en querisse pour des lesbiennes venues de partout au monde.
Elle — Pffff. Parle-moi plutôt de ton jour de l’An. Poussin Nigaud m’a dit que tu en avais fait de belles pendant mon absence.
Moi — On peut dire ça, oui.
Elle — C’était aussi réussi que la dernière fois ?
Moi — Oui, c’était bien – avec en prime plus de participants. Le début fut un peu particulier, à cause du gâteau.
Elle — Le gâteau ?
Moi — Pour tester la résolution d’Owen, j’ai exigé de sortir d’un gâteau géant. Mal m’en a pris, parce que non seulement il a fallu que j’attente presque trois heures dans ce foutu gâteau, mais lorsque j’en suis sortie, j’ai glissé dans le glaçage et je m’en suis mis jusque dans les cheveux.
Elle — Ha ha ha ! Pauvre belette en sucre en poudre ! Tu t’es bien amusée, quand même ?
Moi — Oh oui. J’en suis encore toute courbaturée. En prime, je me suis fait un nouvel ami.
Elle — Pas un des dudes qui t’a baisée ?
Moi — Nan. J’ai eu ma leçon avec David. C’était plutôt la personne qui était le réceptacle du sperme des dudes qui m’ont baisée.
Elle — La « personne » ? Tu veux dire la fille ?
Moi — Iel s’appelle Maël et est genderfluid.
Elle — C’est quoi ça ?
Moi — Maël ne s’identifie ni au genre masculin, ni au genre féminin, mais quelque part entre les deux. Parfois à l’un. Parfois à l’autre. Parfois complètement à l’extérieur de ce spectre.
Elle —Comment on fait pour savoir si à un moment donné elle est un homme ou une femme ou autre chose ?
Moi — Iel. Son pronom est iel. Ou y. Et on conjugue on masculin quand on parle d’iel.
Elle — Ok, ok, mais ça ne répond pas à ma question.
Moi — On ne le sait pas et on utilise le prénom qu’iel a choisi. C’est tout.
Elle — C’est mélangeant en querisse.
Moi — Pas tant, je t’assure. Une fois qu’on a fait sa connaissance, la confusion disparaît comme neige au soleil.
Elle — (En souriant malicieusement.) Est-ce qu’elle a un pénis ?
Moi — Iel.
Elle — (Soupire et reprend.) Est-ce qu’iel a un pénis.
Moi — Tu parles d’une question !
Elle — (Boudeuse.) Ça ne valait pas la peine de me faire reprendre la question si c’était pour refuser d’y répondre.
Moi — Iel a des organes génitaux féminins, s’il faut absolument que tu le saches. Je l’ai vu nu et en pleine action, alors…
Elle — Une personne au genre liquide adepte de bukkake, on ne voit pas ça tous les jours.
Moi — Genderfluid, pas liquide. Et non, en effet, c’est plutôt rare. Au moins autant qu’une lesbienne polyamoureuse qui va passer son voyage de noces dans une colonie de vacances échangiste.
Elle — Meh, vu de même. Et qu’est-ce qu’iel fait dans la vie ?
Moi — Maël m’a raconté qu’iel habite dans le Glebe avec son mari et ses deux enfants et qu’iel travaille comme traducteur dans un ministère quelconque.
Elle — Fonctionnaire fédéral à Ottawa ? Oh wow, on vient d’atteindre des sommets d’incongruité ! Ha ha ha !
Moi — Attend, je vais te servir une autre dose de banalité : iel aime le vélo et la lecture, iel joue au curling l’hiver et est passionné de tricot. Oh, et iel a aussi un pug appelé Nancy qui ressemble comme deux gouttes d’eau à Boris ! (Je lui montre une photo sur mon téléphone.) Regarde ! Il porte un pull que Maël lui a tricoté.
Elle — Attend… tu viens d’utiliser le pronom « il » pour le pug.
Moi — Et alors ?
Elle — Ben c’est une chienne, si elle s’appelle Nancy.
Moi — On s’en fout, c’est juste un chien.
Elle — Tu l’as quand même mégenrée.
Moi — Les chiens n’ont pas de genre, voyons.
Elle — Qu’est-ce que t’en sais ? Peut-être que Nancy ferait de la dysphorie en t’entendant.
Moi — Tant qu’elle ne détruit pas les meubles et s’abstient de pisser sur la moquette, elle peut faire autant de dysphorie qu’elle en a envie for all I care.
Elle — C’est de la cruauté envers un animal, ce que tu viens de dire. Ça m’étonne venant d’une végane comme toi.
Moi — Arrête donc de me niaiser et viens plutôt m’aimer encore un peu…
Elle — (M’embrasse, puis se glisse sous le drap, entre mes cuisses.) Tout de suite, ma bibiche au miel ! Je vais te faire jaillir le fluide du gender en moins de temps qu’il ne le faut pour dire « woke as fuck ».
Moi — (En soupirant de plaisir.) Ah la la. Dire que je me suis morfondue pendant ton absence.